Karine Bonneval, Fanny Maugey, Lucie Malbéqui, Emma Bourgin, Hélène Barrier, Marjorie Brunet.
Commissariat : Fabienne Leloup
L’exposition « Faire oeuvre en cuisine » est une invitation à l’expérimentation et au partage. Au gré de votre déambulation vous découvrirez par exemple, de précieuses plantes carnivores et vous vous aventurerez dans des expériences culinaires multiples. Vous pourrez également admirer des sculptures participatives, vous apprécierez les métamorphoses de la cire d’abeille ou peut-être vous risquerez-vous à dévorer un minotaure ?
Loin de se concentrer uniquement sur la notion de spectacle collectif du quotidien que l’on retrouve habituellement dans les nombreuses expositions ou événements performatifs sur ce thème, « Faire oeuvre en cuisine » permet d’appréhender le monde actuel par les questionnements liés à notre alimentation et son évolution.
La relation entre art et nourriture sillonne l’histoire de l’art. Bien avant le XVIIème siècle, où la peinture flamande a donné ses lettres de noblesse au genre de la nature morte, les scènes de banquets fleurissent sur les murs des domus Antiques et autres amphores. Chaque siècle donne une signification au repas et à ses rituels. Chaque artiste tente d’exprimer cette scène de vie à la fois quotidienne et extraordinaire. La table revêt un sens symbolique selon l’espace et le temps qui l’accompagne. Il faudra attendre les avant - gardes du XXème siècle pour voir apparaitre l’aliment réel dans l’art avec les banquets expérimentaux futuristes, dadaïstes et surréalistes. Jusqu’alors glorifié voire magnifié, le tournant des années 60 et l’arrivée de la société de consommation va réinterroger notre rapport à la nourriture.
La particularité des propositions artistiques présentées, est qu’elles ont en commun un rapport ontologique à la nourriture. Qu’il s’agisse des sculptures et installations de Karine Bonneval, et d’Emma Bourguin, ou encore les fleurs comestibles de Fanny Maugey et les tableaux éphémères de Marjorie Brunet, elles mettent en exergue une relation au temps de la métamorphose de la matière d’un point de vue physiologique et sociologique. Ce qui se joue ici, n’est pas une simple archéologie de la nourriture qui chercherait à comprendre notre civilisation contemporaine mais bel et bien une réflexion sur la compréhension de l’être par l’expérience de faire oeuvre en cuisine.
He?lène Barrier, Karine Bonneval, Emma Bourgin, Marjorie Brunet, Lucie Malbe? qui et Fanny Maugey sont fascinées par les possibilités créatives de la nourriture autant que par les enjeux sociétaux actuels qu’elle soulève. Elles mettent en lumière les vertus collectives de la nourriture et de faire repas, elles y interrogent également le rôle de la femme, de l’écologie ou encore notre passé colonial. « Faire oeuvre en cuisine » propose un archétype de la vie humaine interpellant le spectateur et le faisant interagir avec l’oeuvre à travers la notion de parcours, les manipulations et les modes de consommations offertes lors de l’exposition.
Et s’il s’agissait d’une métaphore ?
D’oeuvres en oeuvres, cette exposition se révèle. Il s’agit d’une Xenia, ce concept grec d’hospitalité dans laquelle chaque oeuvre, performance et expérimentation deviennent un présent offert au spectateur pour le mener à une rencontre privilégiée entre le quotidien et l’art tout en se reconnectant à la dimension éthique et sociologique de l’aliment. L’occasion de mettre en commun et transmettre des savoirs et des savoir-faire qui mènent à l’expérimentation d’un fait de civilisation pour mieux se comprendre et vivre ensemble.
Madeleine Filippi, Critique d'art
J'y présente : saccharomania, pièce produite par le Domaine de Chaumont sur Loire, 2017
5 dômes, sculptures de plantes carnivores en sucre pastillé sur lit de sucre en poudre.
Saccharum officinarum est une plante dont on est peu sûr de l’origine géographique. Répandue par l’homme et croisée avec d’autres espèces de canne à sucre, elle n’existe plus à l’état sauvage. “L’or blanc”, jadis produit grâce à l’esclavage et à l’origine de guerres, est aujourd’hui un produit de base bon marché partout dans le monde. Mais sa blancheur et sa cristallisation pailletée conservent l’ambiguïté de notre histoire commune. Ici, reprenant cette esthétique du XIXème sous globe, une collection de plantes carnivores se dresse dans une blancheur immaculée, mais composée d’une matière faussement innocente, car chaque végétal a été moulé en sucre massé. L’industrie sucrière basée sur la culture intensive cause toujours des dégâts multiples sur l’environnement et les humains.
Et Barbara Pompili a moins de poids qu’une betterave, production Maison des arts plastiques Rosa Bonheur, 2021.
Nuage de 26 betteraves en papier recyclé et feuilles de betteraves, chaine métal cuivré.
Tapis de 40 carrés d’échantillons de sols de Pesselières, sur lit de terre
En 2020, le gouvernement français a annoncé que l’usage des néonicotinoïdes, pesticides « tueurs d’abeilles » serait à nouveau autorisé pour 3 ans sur les betteraves à sucre.
Dans cette installation, l’artiste met en scène un nuage de beta vulgaris flottant au-dessus d’un tapis de sols. Les formules chimiques des trois néonicotinoïdes ré-autorisés sont matérialisées par des chaines accrochées aux betteraves et se répandent sur les carrés de terres. Ce tapis a été réalisé à partir d’échantillons de sols des alentours de son village, constitué de champs de cultures conventionnelles et biologiques.