Commissariat et texte Dominique Truco.
L’exposition « L’âme des écorces » de Karine Bonneval restitue à Poitiers, à la galerie Louise-Michel, un travail collaboratif en prise avec le vivant végétal.
Depuis 8 mois, ce chantier se déploie avec les concours de l’Ecole de l’ADN Nouvelle Aquitaine, l’école maternelle Marcel-Pagnol et leurs professeures, Caroline Charré et Carmen Bouquet, du centre de loisirs de la ferme des Prés Mignons, de l’atelier d’écriture de Cap-Sud, de la résidence Marie-Noël, des habitants du quartier, de l’espace Mendès France, des espaces verts de la Ville de Poitiers, de l’antenne Paysage du Conservatoire régional d’espaces naturels de Poitou-Charentes, et Broutilles, cultivatrice de plantes germées biologiques.
Ce projet s’accorde au nouvel aménagement paysager de Bellejouanne qui, désormais, avec son jardin aromatique, ses plantations fruitières contribue à renouveler la vie des habitants.
La carte botanique de Bellejouanne, Les portraits botaniques, Community Coalescence (la constellation de boîtes de Pétri), Nos ADN, ces œuvres nouvelles créées à Poitiers par Karine Bonneval résultent de pertinentes collaborations entre tous ces acteurs dans ce paysage naturel et culturel ré-éguisant nos regards, nos sens pour retrouver cette connexion innée avec la nature.
Depuis deux décennies, Karine Bonneval, originaire de La Rochelle, concentre ses recherches artistiques sur les relations que nous, humains, entretenons avec le vivant, végétal et animal.
Ses territoires d’investigation ouvrent à l’indispensable prise de conscience de l’interdépendance du vivant dans sa diversité dont dépend la qualité de notre environnement, donc de nos existences.
En 1994, alors étudiante à l’Ecole supérieure d’art décoratif de Strasbourg, au jardin botanique elle travaille avec un botaniste, partage des réflexions avec un étudiant en génétique.
En 2000, sa première incursion en forêt tropicale en Guyane est décisive.
Depuis la création en 2014 de la Diagonale de Saclay – programme d’accompagnement de projets de recherches entre scientifiques et artistes reliant sciences et société, mis en œuvre par l’Université de Paris Sud – l’artiste approfondit de nombreuses recherches avec des scientifiques, microbiologiste, éthologue, pédologue, bio-acousticien, etc., en France et à l’étranger.
Pour Karine Bonneval, ces fertiles collaborations, nourries de questionnements sur la vie du végétal, dans ce qu’elle a d’inattendu, d’infiniment petit et d’infiniment grand, « visent avant tout à montrer les relations constantes mais invisibles que nous avons au quotidien avec le tout vivant dans lequel nous baignons ».
Ce tout vivant invisible, les enfants de l’école maternelle Marcel-Pagnol l’ont mis en culture avec l’école de l’ADN mêlant dans des boîtes de Pétri les micro-organismes de leurs propres mains à ceux des écorces des arbres de la cour de leur école. Community Coalescence
Désormais, ainsi que Karine Bonneval en fit l’expérience avec l’éco-physiologiste Claire Damesin et le microbiologiste Ludwig Jardillier, les enfants de Marcel-Pagnol savent maintenant que les arbres sont des êtres vivants habités par d’autres êtres vivants et qu’ils respirent !
Des échanges entre Karine Bonneval et Laurence Héchard de l’Ecole de l’ADN Nouvelle-Aquitaine est né Nos ADN, croisant ADN humains et ADN de fruits et légumes, cerises, fraises, abricots, épinards, concombres, tomates, framboise... Basé sur un protocole simple qui précipite notre ADN à partir de la salive, nos ADN propose de nous mélanger in vitro avec un fruit, une légume de notre choix. Dans les éprouvettes naissent alors des ADN mélanges plantes/humains qui symboliquement nous font, le temps d'une expérience, devenir-plante.
Afin de mieux approcher et connaître le végétal des rues et jardins du quartier, l’artiste a imaginé la Carte botanique de Bellejouanne. Elle a mobilisé plus de cent enfants et adultes du quartier sur le modèle de l’herbier naturel. Cela consistait à relever par encrage l’empreinte d’une feuille pressée sur une feuille tel que pratiqué par le naturaliste Aimé Bonpland au XIXe siècle. C’est sur le mode d’imbrication alvéolaire cellulaire en volume que Karine Bonneval présente ces estampes.
D’une sculpture d’arbre recouvert de champignons imaginaires surgissent des Portraits botaniques sonores. Souvenir de chacun avec une plante, un arbre, un gout végétal....
Avec la bio-acousticienne Fanny Rybak, spécialiste des oiseaux, et le laboratoire de la Freie Universität de Berlin, le Rillig Group étudiant les sols et fungi, Karine Bonneval a entrepris d’écouter la terre. A la galerie Louise-Michel, c’est la vie des invertébrés indicateurs de la bonne santé ou pas d’un sol que l’artiste nous restitue.
De bouches de céramique plantées dans 6 m3 de terre s’échappent les sons de cinq biotopes différents : le jardin botanique de Berlin, le jardin du Rillig Group, le compost du jardin de l’artiste, un champ cultivé industriellement et un jardin de Kandy au Sri Lanka.